Mécanismes d’action de l’iridotomie laser : La pression intraoculaire est le fruit d’une balance entre la production de l’humeur aqueuse par le corps ciliaire et son élimination par voie trabéculaire ou uvéo-sclérale. L’humeur aqueuse est secrétée par les corps ciliaires qui sont disposés de façon circulaire en arrière de l’iris. Elle chemine ensuite entre le cristallin et l’iris (pupille), puis en chambre antérieure et est finalement résorbée au niveau de l’angle irido-cornéen.
Le débit d’humeur aqueuse circulant dans le segment antérieur est d’environ 2 à 3 µL/mn en conditions physiologiques. Les différents espaces anatomiques dans lesquels chemine l’humeur aqueuse – notamment la pupille – sont normalement de taille suffisante pour que l’écoulement de ce fluide se fasse sans résistance notable. De ce fait, il n’existe pas de gradient de pression significatif sur l’ensemble du trajet de l’humeur aqueuse dans l’œil.
Dans certaines conditions, anatomiques ou autres, un rapprochement de la face antérieure du cristallin et la face postérieure de l’iris ou un accolement complet de ces deux structures entraîne une augmentation de la résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse au niveau de la pupille, s’accompagnant de l’apparition d’un gradient de pression entre la chambre postérieure (située en amont de la pupille, pression plus élevée) et la chambre antérieure (située en aval de la pupille, pression plus faible). Ce gradient de pression peut être suffisant pour repousser en avant la racine de l’iris, qui vient alors s’accoler à la face postérieure de la cornée et au trabéculum, fermant temporairement puis définitivement l’angle irido-cornéen et condamnant ainsi l’issue de l’humeur aqueuse en dehors de l’œil.
L’iridotomie périphérique au laser consiste à perforer la racine de l’iris (périphérie) en focalisant sur celle-ci un ou plusieurs faisceaux lasers et de façon à créer un orifice de taille suffisante pour permettre un écoulement sans obstacle de l’humeur aqueuse depuis la chambre postérieure vers la chambre antérieure, prévenant ou levant ainsi une apposition permanente ou définitive de l’iris contre le trabéculum [1]. Voir Figure 1.
Fig 1 IP laser
Figure 1. Mécanisme d’action de l’iridotomie laser en cas de blocage pupillaire. D’après Kolker AE. [2].
INDICATIONS
Situations de blocage pupillaire primitif
- Traitement curatif d’une crise de fermeture de l’angle : L’iridotomie laser permettra une réouverture de l’angle irido-cornéen et une diminution de la pression intra-ocualire en l’absence de synéchies antérieures périphériques étendues. La réalisation de l’iridotomie doit être précédée de l’instauration d’un traitement hypotonisant (systémique et local) et myotique, de façon à diminuer l’œdème de cornée et à faciliter la focalisation du faisceau laser, et de façon à tendre au maximum l’iris en vue de sa perforation.
- Traitement d’un glaucome par fermeture de l’angle : Les glaucomes par fermeture de l’angle sont liés à un blocage pupillaire absolu ou relatif entraînant un gradient de pression entre la chambre antérieure et la chambre postérieure, repoussant la racine de l’iris et fermant partiellement ou complètement l’angle irido-cornéen. Cette fermeture de l’angle peut élever la pression intraoculaire de façon chronique ou aigue, et se compléter d’une neuropathie optique. On parle alors de glaucome par fermeture de l’angle. Une iridotomie doit être systématiquement réalisée de façon à lever le blocage pupillaire et à prévenir ou lever la fermeture de l’angle.
- Traitement préventif chez un sujet à site de perforation. Les principaux verres sont le verre d’Abraham (lentille plan convexe de + 66 dioptries), le verre de Wise (+ 103 dioptries) et le verre CGI monobloc (Fankhauser). Voir Figure 3.
Fig 3 IP laser
Figure 3. Verre d’Abraham.
- Site de l’iridotomie : Le méridien de 12h est à éviter, car la formation d’une bulle de gaz lors d’une coagulation au laser argon empêchera la poursuite de l’iridotomie. De façon à éviter les phénomènes de diplopie monoculaire ou d’éblouissement, les méridiens situés en regard du ménisque de larmes dû aux paupières doivent être évités. Les méridiens de 11h ou 1h sont ainsi généralement choisis. Certains opérateurs choisirent parfois les méridiens de 3h ou 9h.
- Lasers et paramètres : Le laser Argon peut d’abord être utilisé (100 ms, 150 µm, 300 à 600 mJ, 5 à 10 spots sur la zone destinée à être perforée) de façon à rétracter l’iris (l’éloigne de la cornée), amincir l’iris et limiter les risques de saignement. Immédiatement après, le laser Nd:YAG (2 à 4 mJ / impact, dans une crypte) peut être utilisé jusqu’à perforation (signe du flot).
- Critères de réussite : Un flot d’humeur aqueuse et de pigments, et l’approfondissement de la chambre antérieure en périphérie, témoignent du caractère perforant de l’iridotomie. Une transillumination en rétroillumination est un mauvais critère, car une fine épaisseur de stroma résiduel peut être transilluminable sans être perméable à l’humeur aqueuse. En cas de doutes, une imagerie par OCT du segment antérieur peut être réalisée.
- Taille de l’iridotomie : Un diamètre de 250 à 500 µm est suffisant (voir Figure 4), une iridotomie plus petite exposant au risque de fermeture en mydriase, une iridotomie plus grande à un risque de libération excessive de pigments et de pic pressionnel.
Fig 4 IP laser
Figure 4. Iridotomie de taille suffisante.
Traitements post-procédure
Un traitement par anti-inflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens doit être prescrit. Il peut être accompagné de mydriatiques si l’iridotomie est de façon certaine perforante, et d’alpha-2-agonistes pour réduire le risque de pics pressionnels.
Exemple de prescription :
- Tobradex ou Dexafree, une goutte trois fois par jour pendant 7 jours
- Iopidine 0.5%, une goutte trois fois par jour pendant 7 jours
- Mydriaticum, une goutte trois fois par jour pendant 7 jours
COMPLICATIONS
Les complications de l’iridotomie sont relativement peu fréquentes :
- Hypertonie oculaire
- Saignement, hyphéma : Une compression digitale de l’œil peut être réalisée pendant quelques minutes de façon à stopper le saignement. La réalisation de quelques impacts de laser argon sur le vaisseau qui saigne peut également permettre de stopper l’hémorragie.
- Défocalisation du faisceau avec risques de brûlures cornéennes épithéliales, stromales ou endothéliales ; marquage cristallinien
- Inflammation persistante
- Synéchies irido-cristalliniennes
- Synéchies antérieures périphériques
- Corectopie
- Diplopie monoculaire, photophobie
REFERENCES
- Curran EJ. A new operation for glaucoma involving a new principle in the aeiology and treatment of chronic primary glaucoma. Arch Ophthalmol 1920 ; 49 : 131-155.
- Kolker AE, Hetherington J, eds. Becker-Shaffer’s Diagnosis and Therapy of the Glaucomas. 5th ed. St Louis: Mosby; 1983.
- Quigley HA, Friedman DS, Congdon NG. Possible mechanisms of primary angle-closure and malignant glaucoma. J Glaucoma 2003 ; 12 : 167– 80.
- Wilensky JT, Kaufman PL, Frohlichstein D,et coll. Follow-up of angle-closure glaucoma suspects. Am J Ophthalmol. 1993 ; 115 : 338-46.
- Friedman DS, Chew PT, Gazzard G, et al. Long-term outcomes in fellow eyes after acute primary angle closure in the contralateral eye. Ophthalmology. 2006;113:1087–1091.
- Aptel F, Beccat S, Fortoul V, Denis P. Biometric analysis of pigment dispersion syndrome using anterior segment optical coherence tomography. Ophthalmology. 2011;118:1563–1570.