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Le 16ème congrès de la European Glaucoma Society (EGS) s’est tenu à Dublin du 1er au 4 juin 2024. Cette édition, résolument tournée vers l’avenir, a souligné les grands défis et problématiques du glaucomatologue de demain. La place des innovations et des nouveaux concepts développés pour la prise en charge du glaucome a notamment été traitée, et à l’inverse, de multiples débats ont été ouverts sur l’utilisation des techniques conventionnelles plus anciennes. Nous exposons ici quelques messages clés exposés lors de ce congrès.
Le congrès de l’EGS s’est ouvert sur une première session traitant du chirurgien du glaucome en 2030. Plusieurs controverses ont été évoquées.
La première, et non la moindre, fut d’évaluer s’il resterait de la place pour la chirurgie filtrante conventionnelle trabéculectomie dans les années à venir. En effet, avec l’avènement des chirurgies micro invasives et des chirurgies mini invasives à bulle qui paraissent être des alternatives modernes efficaces avec un meilleur profil de sécurité, mieux remboursées dans certains pays, et surtout avec une courbe d’apprentissage moins longue et un enseignement plus aisé, la place de la trabéculectomie peut sembler discutable. Néanmoins, il s’agit actuellement de l’unique technique permettant d’obtenir des pressions intraoculaires (PIO) post opératoires basses utiles dans les glaucomes à pression normale ou progressant malgré des PIO préopératoires déjà basses. Par ailleurs, l’enseignement de cette technique chirurgicale est plus simple depuis la mise en place de simulations avec les Dry Lab. Il convient également de rester prudents dans le suivi et la surveillance des cellules endothéliales des patients ayant bénéficié de MIGS (minimally invasive glaucoma surgery) et MIBS (minimally invasive bleb surgery) car la toxicité sur le long terme (> 5 ans) n’est pas évaluée dans les essais contrôlés randomisés.
Il reste donc encore de beaux jours à la trabéculectomie.
La seconde communication traitait de la place des « chirurgiens de cataracte-plus » (chirurgiens effectuant des chirurgies combinées phaco MIGS sans formation spécialisée dans le glaucome) par rapport à celle des « véritables » chirurgiens du glaucome. Aux États-Unis après l’apparition et le développement des chirurgies micro-invasives et notamment de l’istent, il a été remarqué initialement une diminution de la réalisation du nombre de trabéculectomies et une explosion du nombre de chirurgies combinées cataracte et istent. La courbe d’apprentissage des MIGS est plus courte que celle des chirurgies filtrantes. L’arguments en faveur de l’importance de la présence des chirurgiens « cataracte-plus » est qu’il existe une augmentation et de la prévalence de la cataracte ainsi que de celle du glaucome (UK : 2880 ophtalmologues pour 65 millions d’habitants avec 21% de glaucomateux et 57% de cataractes). Les chirurgiens de glaucome ne pourraient prendre en charge autant de patients, et il a été évoqué que les vrais spécialistes du glaucome se focalisent plutôt sur les patients sévères, et ceux dits progresseurs rapides. Néanmoins, la gonioscopie, examen prépondérant dans la prise en charge pré-chirurgicale de tous les patients glaucomateux, n’est pas réalisée habituellement dans la pratique courant des chirurgiens « cataracte-plus » qui ont donc généralement, une expérience moins importante que les chirurgiens spécialisés dans le glaucome. Et le risque de diagnostic à tort d’un glaucome par un chirurgien non spécialisé et ainsi de surtraitement n’est pas nul. Il est de la responsabilité des sociétés savantes d’élaborer des guidelines précises permettant de guider les indications chirurgicales appropriées (MIGS / MIBS / filtrantes conventionnelles ou phako seule). Toutes les chirurgies à bulle doivent être strictement réservées aux chirurgiens du glaucome ayant l’habitude de l’usage de la mitomycine et de la gestion post opératoire des bulles de filtration.
L’ultime communication de la session s’intéressait aux lasers et aux MIGS avec un titre attrayant « Les lasers deviendront-ils si efficaces qu’ils rendraient obsolète l’usage des MIGS » ? Depuis les différents essais contrôlés randomisés, la trabéculoplastie au laser sélectif occupe une place légitime de première ligne de traitement de l’hypertonie intraoculaire et du glaucome. L’avantage du SLT est qu’il respecterait la physiologie du trabéculum contrairement aux différents MIGS (goniotomie, trabéculotomie…). Aussi, il existe de belles avancées technologiques dans les lasers avec le nouveau SLT Zeiss et le DSLT (Direct Selective Laser Trabeculoplasty). Ce dernier ne nécessite pas de pose de verre de gonioscopie et réalise rapidement et sans assistance la trabéculoplastie ! Dans l’étude LIGHT à 6 ans, dans le groupe SLT, environ 70% des patients étaient sans traitement mais 30% ont nécessité un traitement, 20% ont progressé et 2,4% ont eu recours à une trabéculectomie. Il existe donc un risque non nul d’échec du SLT. A la question « Les lasers deviendront-ils si efficaces qu’ils rendraient obsolètes les MIGS ? » la réponse est non… à moins que les futurs lasers permettent eux-mêmes de réaliser des MIGS…
Le très actuel sujet des MIGS a été traité dans une session coanimée par l’American Glaucoma Society et l’EGS. Avec la multiplicité et la variété des dispositifs développés au cours des dix dernière années, l’EGS propose une définition restrictive du terme MIGS : le terme n’englobe plus que les procédures chirurgicales ab-interno sans formation de bulle de filtration. Parmi ces procédures, ce sont les MIGS trabéculaires qui ont bénéficié du plus haut niveau de preuve d’efficacité, avec l’Hydrusâ (Alcon) et l’iStentâ (Glaukos) en tête de fil : en combinaison à la phacoemulsification, ils permettent de diminuer le nombre de traitements hypotonisants au long cours. De plus, l’Hydrusâ ralentirait la progression du champ visuel (-0,23db/an par rapport à la phacoemulsification seule) et diminuerait le taux de progressions rapides via une diminution des fluctuations de la PIO. Le profil de sécurité de ces deux dispositifs est très satisfaisant, mais l’Hydrusâ serait toutefois associé à l’apparition de synéchies antérieures périphériques et à un certain degré de perte en cellules endothéliales cornéennes. Par ailleurs, les dispositifs avec formation d’une bulle d’une filtration, communément appelés MIBS, ont également été étudiés : selon les résultats d’études prospectives comparatives et randomisées, la chirurgie filtrante conventionnelle reste actuellement plus efficace que ces dispositifs et leur rapport coût/efficacité n’est pas établi. Les MIBS viennent simplement compléter l’arsenal thérapeutique du chirurgien du glaucome dans des situations cliniques précises et spécifiques à chaque dispositif. Les nombreux travaux en cours et à venir sur l’évaluation des MIGS permettront sans aucun doute de définir plus précisément l’intérêt et la place de chacune de ses procédures dans l’arsenal thérapeutique du glaucome.
L’extraction du cristallin est un sujet fréquemment débattu dans le domaine du traitement du glaucome, en particulier en ce qui concerne son efficacité et ses implications pour les différentes formes de cette maladie oculaire. Bien que la chirurgie de la cataracte soit généralement associée à une réduction de la PIO et du nombre de traitements, les données actuelles sont insuffisantes pour établir l’intérêt de l’extraction d’un cristallin clair dans le traitement du glaucome primitif à angle ouvert (GPAO). En revanche, toutes les études prospectives comparant l’efficacité des MIGS et des phaco-MIGS ont démontré que les interventions combinées sont efficaces pour abaisser la PIO dans le cas du GPAO.
Dans les glaucomes par fermeture de l’angle (GFA), le cristallin joue un rôle majeur dans le blocage pupillaire et la fermeture de l’angle. Plusieurs situations doivent être envisagées :
La question des chirurgies combinées se pose alors. Si le patient nécessite une intervention pour son glaucome et présente une cataracte, pourquoi ne pas réaliser les deux en même temps ? D’autant plus que la cataracte est souvent associée au glaucome et que les chirurgies filtrantes peuvent induire des cataractes. La procédure combinée semble donc attrayante sur de nombreux points (économique, écologique, amélioration de la vision et de la qualité de vie, etc.). Cependant, en raison de l’augmentation du risque de complications lors de chirurgies combinées, la chirurgie séquentielle doit être privilégiée, en commençant par la phacoémulsification si les conditions cliniques le permettent. En effet, l’extraction du cristallin n’est pas associée à un risque accru d’échec d’une chirurgie filtrante future. Au contraire, elle pourrait même réduire le risque de complications en cas d’angle fermé, notamment en présence de facteurs de risque de glaucome malin. En revanche, réaliser une chirurgie de la cataracte après une chirurgie filtrante est associé à un risque accru d’échec de cette dernière, surtout si elle est effectuée précocement. De plus, l’extraction de la cataracte permet d’éliminer les artefacts induits sur le champ visuel (notamment sur la déviation moyenne) et sur l’OCT, mais n’améliore pas le taux de dégradation du champ visuel. Ce dernier pourrait même être augmenté, en particulier dans les cas les plus sévères.
Lors de cette session, les orateurs se sont confrontés au vote du public avec des débats sur des thèmes d’actualité.
La gonioscopie est-elle morte ? Selon le Dr Winifried Nolan, la gonioscopie n’est plus indispensable chez les patients atteints de glaucome chronique par fermeture de l’angle. L’amélioration des imageries de segment antérieur, comme l’OCT avec la technologie swept-source, permet une acquisition rapide, sans courbe d’apprentissage, non-contact, avec des mesures objectives. En revanche, la gonioscopie nécessite une courbe d’apprentissage, est subjective et peu reproductible. Plusieurs études ont montré que l’OCT de segment antérieur serait meilleur que la gonioscopie pour prédire le risque de glaucome en utilisant l’AOD500. Le Dr Anton Hommer a défendu l’intérêt de la gonioscopie, qui reste le seul outil permettant d’analyser la pigmentation angulaire, la présence de sang dans le canal de Schlemm, l’existence d’une ligne de Sampaolesi ou de vaisseaux angulaires. De plus, avec les chirurgies mini-invasives à abord trabéculaire, la gonioscopie est indispensable pour maîtriser ces nouvelles techniques chirurgicales.
Prescrire des collyres non conservés pour tous nos patients ? Le Pr. Baudouin a défendu l’utilisation de collyres non conservés pour tous les patients. Les collyres avec conservateurs sont toxiques à long terme pour les patients glaucomateux nécessitant un traitement chronique. De plus, les troubles de la surface oculaire sont plus fréquents chez ces patients et augmentent avec la sévérité du glaucome. L’inflammation oculaire précoce, au stade infraclinique, représente un risque d’échec pour les chirurgies à bulle. La nécessité des conservateurs pour l’efficacité hypotonisante des principes actifs a été réfutée par plusieurs études. Le Dr Sanna Leinonen a défendu l’idée contraire. Les collyres non conservés sont plus chers. Certains traitements ne sont pas disponibles sans conservateurs. Le risque d’échec chirurgical concerne une minorité de patients, car seulement 7% des glaucomateux bénéficieront d’une chirurgie. De plus, les collyres non conservés, souvent conditionnés en unidoses, posent des problèmes écologiques, des difficultés de manipulation pour les sujets âgés et des problèmes d’hygiène avec l’usage multiple d’une unidose.
SLT ou collyres : quel traitement de première ligne ? Le Pr Gus Gazzard a défendu l’utilisation du SLT en première ligne. L’étude LIGHT, contrôlée randomisée avec un fort niveau de preuve, a maintenant six ans de recul et confirme l’efficacité de la trabéculoplastie laser à long terme. Cette thérapeutique fait maintenant partie des recommandations des sociétés savantes (EGS, NICE, AAO). Le Pr Anthony Khawaja prône un traitement plus personnalisé. 25% des patients ne répondent pas au SLT. Ce laser agit uniquement sur l’évacuation trabéculaire, ce qui limite son efficacité en raison de la pression veineuse épisclérale et ne permet pas d’atteindre une PIO très basse nécessaire pour stabiliser certains patients. Il existe aussi un risque d’hypertonie après SLT, qui peut être dommageable pour les glaucomes avancés. L’étude LIGHT n’a pas montré de différence sur la qualité de vie, raison pour laquelle le choix du traitement devrait finalement revenir au patient.
L’OCT fait-il plus de mal que de bien ? Le Dr Balwantray Chauhan a défendu l’utilisation de l’OCT. C’est une technologie utilisée depuis des années avec actuellement des coupes quasi-histologiques de la rétine. Cet outil doit cependant rester uniquement une aide à la décision médicale pour le diagnostic et le suivi. Selon le Dr David Garway-Heath, l’OCT ne peut se substituer aux champs visuels pour le suivi des patients glaucomateux. La réalisation de six champs visuels au cours des deux premières années de suivi est indispensable pour déterminer la vitesse de progression du glaucome. De plus, l’OCT peut induire le praticien en erreur en cas d’anomalie de segmentation. Son utilisation courante réduit également le recours au champ visuel, ce qui peut retarder le diagnostic de progression.